Version française
Une visite guidée performative dans le couloir B2 du Studio CityGate où j’ai eu mon atelier entre juillet 2019 et juillet 2022. Une performance in-situ mêlant installations, théâtre (« Londinium » de Demian Vitanza), peinture et du matériel vidéo-documentaire que j’ai collecté en Angleterre en 2020 ; ainsi que des interviews audio des résidents de ce couloir que j’ai réalisé en 2022.
Ce bâtiment, qui était autrefois l’usine pharmaceutique Vesdre Continental, a été acheté par CityDev en 2015. Il est géré par la SPRL Entrakt. Il s’agit d’un pôle artistique alternatif sous bail précaire, un tiers-lieu temporaire, voué à être détruit, qui est en attente de permis pour être transformé en projet immobilier en 2023.
« LONDINIUM est un hommage à Londres et à la Tamise, qui charrie et emporte les déchets de la métropole au rythme de la marée. » Demian Vitanza
La Tamise de Londres fait écho au canal de Bruxelles (à 350 m d’ici). Que représentent les déchets de notre métropole, qu’est-ce qui est détruit et jeté à l’eau ?
La pièce Londinium parle du deuil, la partie que nous utilisons est « Sweet Thames Run Softly till I end my song » : trois sauveteurs de la Royal National Lifeboat Institution sont de garde sur la Tamise. Ils sont aux prises avec la mort de leur mère qu’ils n’ont pas pu sauver. Mon lien fort avec l’Angleterre a été blessé par le Brexit. Depuis que j’y ai vécu à l’âge de quatorze ans pour étudier l’art, j’ai toujours été très attachée à cette culture. Cette expérience m’a marquée sur le long terme. C’était un internat, il s’y développait un vrai sentiment d’appartenance à une communauté. Le Brexit a ranimé cette blessure de séparation qui s’était créée en moi quand j’ai quitté l’Angleterre pour rentrer à Bruxelles. La destruction de CityGate ravive cette même blessure de perte de connexion avec un lieu, un espace qui contient des relations.
Ce projet donne forme au deuil. Le deuil de la mère dans “Sweet Thames”, cette même Mère qui grandit jusqu’à devenir le Bâtiment puis l’Île elle-même. Nous explorons les espaces de résonance, les espaces de dissolution et d’irrigation entre ces différentes pertes et comment elles se fondent les unes dans les autres, à travers le tracé des eaux. En considérant les impacts et les contournements des lignes de fracture dans une communauté, le processus vise à inventer une multiplicité de reconstructions possibles vers un épilogue : Hopes for a Future Space.
Comment commencer à imaginer et à construire les fondations d’un espace partagé sur le long terme par le biais d’un dialogue entre les institutions artistiques, les politiques, les voisins d’Anderlecht et les résidents du CityGate, autour de nos rêves, de nos besoins et nos réalités. Montrer que cette destruction peut donner naissance à un nouvel espace à l’intérieur duquel les unions brisées peuvent être réparées et où de nouvelles unions pourront naître.
Aujourd’hui, je conçois LONDINIUM comme une performance évolutive qui s’intégrera chaque fois au lieu et au tissu humain de l’endroit où elle sera présentée.
Elisabeth Woronoff